La tendance écologiste fait naître les Anti-Black Friday
Certaines enseignes sacrifiées plus de 15% de leurs chiffres d’affaires pour se risquer dans un nouveau pari fou au service de leurs réputations : se positionner contre la surconsommation qui pollue la planète. Ainsi, les #BikeFriday ou autres #BlockFriday font leur apparition dans le monde et en France mettant en avant des concepts autour du recyclage ou de la réparation d’objet pour le plus grand bonheur de nos acheteurs écologistes. Est-ce le début de la fin des Black Friday ? Mais au fait que vont-ils faire de leur stock invendu tout en restant écolo ?…
Ces entreprises qui boycottent le Black Friday (et qui y gagnent)
Plus personne ou presque ne peut échapper au Black Friday, devenu en quelques années le symbole d’une surconsommation effrénée. Pourtant, de plus en plus d’enseignes s’en détournent pour affirmer d’autres valeurs. Le début d’un mouvement de fond ?
Alertes aux bonnes affaires, aux meilleurs plans, aux prix cassés, aux ventes flash… impossible d’échapper au torrent de messages publicitaires à quelques jours du fameux Black Friday. Malgré des réductions alléchantes, cette journée dédiée aux promotions ne serait plus en odeur de sainteté. Son modèle est en totale contradiction avec les valeurs d’une nouvelle génération de consommateurs et avec l’urgence de préserver la planète.
L’occasion pour les marques de raconter une toute autre histoire ? Focus sur ces nouveaux anti-Black Friday et sur un mouvement qui se veut, lui, durable. Avec Arnaud Cartigny (CGI), Marie Nguyen (WeDressFair) et Boris Wahl (Réseau Cyclable).
Le Black Friday, ou la ritualisation de la surconsommation
Le Black Friday ? Il représente en France un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros sur une seule journée, en 2018, pour plus de 1,3 millions de transactions. Importé des États-Unis en 2013, le Black Friday a vite rencontré son public pour devenir une véritable grande messe du consumérisme. « Il faut reconnaître que le Back Friday a bien pris en France. C’est quelque chose de bien ancré dans les habitudes de consommation », avoue Arnaud Cartigny, vice-président en charge des activités conseil pour le secteur Retail et Luxe en France chez CGI Business Consulting. Parce qu’il permet parfois aux plus modestes de s’équiper ou de remplir la hotte à moindre frais et aux enseignes d’augmenter leur chiffre d’affaires, le Black Friday séduit et se décline désormais même à la semaine avec la Black Week.
Ces enseignes qui disent non au Black Friday
Et l’appât du gain ? Qu’importe ! Conscients des conséquences désastreuses pour l’écologie et la société, des entrepreneurs ne signent plus. Mais alors, que faire de ce moment fatidique où les consommateurs cherchent à faire des affaires et remplir leur panier virtuel ? Abandonner toute idée de promotion et en profiter pour affirmer d’autres valeurs ? C’est le choix de Boris Wahl. Le fondateur du réseau Cyclable, à la tête de 54 magasins franchisés en France, a dû convaincre une minorité de récalcitrants de son réseau pour se lancer dans une Bike Friday : « L’idée est de proposer à chaque magasin d’organiser un moment ouvert aux clients où l’on parlerait de la réparation. Un vélo, ça se répare et ça c’est le contraire de l’obsolescence programmée. »
S’appuyer sur cette journée folle pour diffuser sa culture et faire de la pédagogie sur les alternatives de consommation ? C’est également le pari de WeDressFair ! Marie Nguyen, la co-fondatrice de la plateforme de ventes de vêtements écoresponsables a opté pour une fermeture de son e-shop, lancé une campagne de communication intitulée #blockfriday centrée sur l’entretien des vêtements pour les faire durer et couplée à des ateliers en magasin avec pêle-mêle, DIY couture et réparation, conseils, DIY lessive maison… « C’est un vrai mouvement, nous ne sommes pas seuls. Cette journée est un symbole où l’on va à l’inverse du modèle actuel », affirme Marie Nguyen qui parle d’un manque à gagner de 15% de son chiffre d’affaires sur la semaine. Un sacrifice aussi pour 450 autres marques, qui avec le collectif « Make Friday Green Again », s’engagent pour une consommation raisonnée. Le but ? Boycotter le Black Friday pour consacrer la journée du 29 novembre à faire le point sur nos réels besoins.
La réputation plus forte que l’écoulement des stocks ?
« Le Black Friday est souvent un jour où nous allons acheter des choses dont nous n’avons pas vraiment besoin et les donnons à des personnes qui n’en veulent pas vraiment », lit-on sur le site de Patagonia. À l’occasion du Black Friday, la griffe californienne invite ses clients à faire des dons quelle s’est engagée à revaloriser à destination des associations de défense du vivant. Le bénéfice pour les marques ? Il est à chercher du côté de la réputation et de la fidélisation, comme l’explique Arnaud Cartigny : « Ces marques sont en cohérence avec leur valeur et beaucoup communiquent sur leur impact sociétal ; il faut reconnaître que le Black Friday est antinomique. Elles peuvent s’y retrouver en fidélisant une clientèle ».
Emery Jacquillat, le patron de la Camif, a été un des premiers en France avec Envie à boycotter le Black Friday en fermant son site. Cette année encore, il fermera purement et simplement son site e-commerce. Un choix assumé pour « inviter les clients à prendre du recul par rapport à cet état d’achat compulsif que toutes les enseignes incitent à adopter pour retrouver leur véritable pouvoir d’achat et remettre du sens dans leur achat. » D’autant que durant cette journée, les bonnes affaires ne seraient pas vraiment à la hauteur. « N’espérez pas plus de 10 à 20% de véritable remise », avertissait ainsi une étude Que Choisir publiée en 2018 sur les promotions du Black Friday.
Fausses promos et conscience éthique ou écolo, le Black Friday vit peut-être bien ses dernières heures. Élisabeth Borne, la Ministre de la Transition écologique et solidaire, a récemment évoqué la pollution générée par le Black Friday et a même parlé de “frénésie de consommation”. Un récent amendement déposé par la députée écologiste Delphine Batho propose ainsi d’en finir avec cette « opération de méga-gaspillage qui profite d’un laxisme législatif », selon l’élue. Et il vient d’être adopté par la commission du développement durable. Black Friday, la fin d’une passion française ?
Sources : L’ADN